FRANCIS ORVAL
FRANCIS ORVAL
En tant que citoyen Belge, que penses-tu quand il est question du French Horn, d'un certain jeu "à la Française" ou du cor à piston si fameux à une époque?
Si je me rapporte à mes jeunes années en Belgique, quand j’ai débuté le cor dans le début des années 50, mon professeur au Conservatoire Royal de Musique de Liège m’a enseigné cette fameuse école Française. Jeu souple, beau legato, articulation précise sans pousser les sons, phrasé élégant en chantant avec expression, avec parfois un vibrato exagéré!
À cette époque, il était difficile, sans se fatiguer, d’avoir de l’ampleur et de développer le son avec un cor Selmer.
Toute ma carrière de 1960 à 1983 (orchestres, enregistrements etc.) je l’ai faite sur un Selmer. Jamais un chef d’orchestre ne m’a demandé de jouer sur un autre instrument.
Durant mon passage à l'Orchestre de Télé Luxembourg, entre 1971 et 1979, j’ai constaté les évolutions en France, qui étaient probablement nécessaires. Je pense que j’ai eu la chance de ne pas devoir suivre un mouvement à 180 degrés pris par certains collègues, principalement à Paris. Pas tous, heureusement!
À cette époque, il était difficile, sans se fatiguer, d’avoir de l’ampleur et de développer le son avec un cor Selmer.
Toute ma carrière de 1960 à 1983 (orchestres, enregistrements etc.) je l’ai faite sur un Selmer. Jamais un chef d’orchestre ne m’a demandé de jouer sur un autre instrument.
Durant mon passage à l'Orchestre de Télé Luxembourg, entre 1971 et 1979, j’ai constaté les évolutions en France, qui étaient probablement nécessaires. Je pense que j’ai eu la chance de ne pas devoir suivre un mouvement à 180 degrés pris par certains collègues, principalement à Paris. Pas tous, heureusement!
Le vibrato et le 3eme piston ascendant ont été accusés de tous les maux ! Je vais m’arrêter là.
En résumé, je suis convaincu que le jeu à la française quel que soit l'instrument utilisé, 3eme coulisse dec. ou asc., est toujours le plus adéquat pour s’exprimer en musique. Bien entendu en ajustant le vibrato que je souhaite transformer en « chanter ». Chanter dans certaines phrases musicales me semble indispensable sinon utile pour donner de l’expression à une phrase. Les écoles des pays de l’Est en usaient copieusement.
De ma position en Belgique et au Luxembourg, j’entendais des collègues Français qui reniaient le vibrato et qui en même temps vénéraient, par exemple, un Peter Damm ou encore les frères Tylsar. Allez chercher où est l’objectivité ?
En résumé, je suis convaincu que le jeu à la française quel que soit l'instrument utilisé, 3eme coulisse dec. ou asc., est toujours le plus adéquat pour s’exprimer en musique. Bien entendu en ajustant le vibrato que je souhaite transformer en « chanter ». Chanter dans certaines phrases musicales me semble indispensable sinon utile pour donner de l’expression à une phrase. Les écoles des pays de l’Est en usaient copieusement.
De ma position en Belgique et au Luxembourg, j’entendais des collègues Français qui reniaient le vibrato et qui en même temps vénéraient, par exemple, un Peter Damm ou encore les frères Tylsar. Allez chercher où est l’objectivité ?
J'ai eu le privilège de connaître ton père, un homme délicieux et attachant, peux-tu nous dire combien il a compté dans ta réussite professionnelle?
Dans ma réussite professionnelle, mon père n’a pas eu beaucoup d’impact mais j’ai été imprégné pendant toute ma période d’enfant et d’adolescent par son extraordinaire bon sens musical, toujours soucieux de respecter le compositeur. Aussi, je me souviens avoir été bercé dans mes premières années par les suites de J.S. Bach qu’il jouait chaque soir au violoncelle. C’est probablement cela qui m’a fait adapter ces 6 Suites pour notre instrument.
Tu es peut-être l'unique Européen à avoir fait une grande carrière aux Etat-unis, peux-tu nous relater un peu les circonstances de ce choix et de ton départ?
Une grande carrière, faut pas exagérer! Oui, j’ai été engagé par l’orchestre de Nashville (avec mon Selmer) et full professeur dans des universités, après interview. Mais, la raison d’immigrer aux States est beaucoup plus terre à terre. En résumé, mon premier divorce s’est très mal passé. Mon ex. femme m’étranglait financièrement et les lois Belges en 1980 étaient compliquées.
Ma nouvelle épouse étant Américaine, c’est naturellement que je me suis dirigé vers ce continent.
J’ai pris 5 ans de congés au Conservatoire Royal de Musique de Liège où j’étais professeur et dans une académie de musique où j'était Co-directeur.
En arrivant aux USA, je n’avais aucun contrat dans les mains!
Ma nouvelle épouse étant Américaine, c’est naturellement que je me suis dirigé vers ce continent.
J’ai pris 5 ans de congés au Conservatoire Royal de Musique de Liège où j’étais professeur et dans une académie de musique où j'était Co-directeur.
En arrivant aux USA, je n’avais aucun contrat dans les mains!
Préparant actuellement le Trio de Brahms, j'ai en exemple ta célèbre version, réalisée avec 2 autres artistes de Légende, Arthur Grumiaux et Gyorgy Sebok chez Philips. Quelle fut l'atmosphère de l'enregistrement? Était-il facile de donner son avis face à 2 monstres du métier?
Le trio de Brahms, avant de l’enregistrer, je l'avais déjà donné plusieurs fois en concert avec A. Grumiaux. Pas avec G. Sebok. Ce dernier est arrivé d’Amérique la veille de l’enregistrement pour une répétition rapide!
Concernant l’interprétation, quand j’ai travaillé avec Grumiaux le trio, son extraordinaire son et sa musicalité m’ont inspiré tout naturellement. Il n’y avait rien à ajouter. Je buvais du petit lait (expression Française? Belge?)
L’enregistrement a eu lieu à Amsterdam dans la grande salle du Concertgebouw. Environ deux heures chaque matin pendant trois jours. Atmosphère détendue et très amicale où le corniste n’a pas besoin de se tracasser pour reprendre des passages parce que les partenaires se trompent! C’est d’une grande sérénité psychologique.
Concernant l’interprétation, quand j’ai travaillé avec Grumiaux le trio, son extraordinaire son et sa musicalité m’ont inspiré tout naturellement. Il n’y avait rien à ajouter. Je buvais du petit lait (expression Française? Belge?)
L’enregistrement a eu lieu à Amsterdam dans la grande salle du Concertgebouw. Environ deux heures chaque matin pendant trois jours. Atmosphère détendue et très amicale où le corniste n’a pas besoin de se tracasser pour reprendre des passages parce que les partenaires se trompent! C’est d’une grande sérénité psychologique.
Vois-tu évoluer le style d'interprétation d'un pays à l'autre lors de tes Masterclasses?
Je ne pense très sincèrement pas qu’il existe intrinsèquement des différentes écoles de cor à l’heure actuelle. Ce sont les professeurs avec leur personnalité qui suggèrent une certaine manière de jouer. Cela tient très certainement des échanges entre collègues et de l’écoute mondiale des enregistrements.
Dans ton jeu, y a-t-il quelque chose de "Belge" ou la musique est-elle simplement universelle?
Une « École Belge » du cor? Avant 1950, au nord du pays, le jeu du cor avait tendance à s’inspirer de l’école Allemande. Au sud, mon professeur Adhémar Pluvinage, c'était l’école Française.
Le bon sens musical est un compromis qui se veut universel par définition.
Le bon sens musical est un compromis qui se veut universel par définition.
On entend souvent que le cor est le violoncelle des vents, est-ce pour cette raison que tu as transcris et joué les Suites pour violoncelle de J.S. Bach, ou faisaient-elles partie depuis longtemps de ce que tu étudies?
La réponse fur déjà exprimée plus haut: Je me souviens avoir été bercé dans mes premières années par les suites de J.S. Bach que mon Père jouait chaque soir au violoncelle. C’est probablement cela qui m’a fait adapter ces 6 Suites pour notre instrument. Elles étaient depuis longtemps la source première de mon travail.
As-tu souvent changé d'embouchure? ... certain disent que la morphologie évoluant, il faut s'adapter...
L’embouchure, grande question… Une embouchure parfaite n’existe pas, ce sera toujours un compromis qu’il faut accepter avec philosophie.
Il est indispensable de tenir compte de la morphologie du corniste et la position qu’elle a sur les lèvres sans oublier l’alignement des dents et des mâchoires.
La musculature labiale s’affirmant au fil des années, il sera nécessaire de très très très progressivement agrandir le diamètre intérieur sans modifier le bord, le grain et la profondeur.
Mon histoire est toute simple : un jour, mon professeur a déposé une série d’embouchures sur une table et j’ai choisi celle qui me convenait! (encore de la chance). Elle n’avait pas de marque.
Par la suite, j’ai cherché à ajuster quelques petits détails pour en arriver fin des années 60 chez Courtois, où un maître tourneur était un orfèvre en la matière.
Plus tard, à New York, j’ai fait tourner mon modèle chez Stork.
Enfin, de retour en Europe et n’ayant aucun contrat avec John Stork, c’est Bertrand Jannoutot (Olifant) qui a commercialisé mon modèle avec d’infimes modifications par rapport à Stork.
Je n’ai jamais utilisé plusieurs embouchures sauf pour des œuvres nécessitant un aigu constant (J.S. Bach par ex.) où je réduisais un peu la profondeur. Changer d’embouchure comme de chemise me semble très dangereux psychologiquement. Certains n’ont aucun problème mais …
Il est indispensable de tenir compte de la morphologie du corniste et la position qu’elle a sur les lèvres sans oublier l’alignement des dents et des mâchoires.
La musculature labiale s’affirmant au fil des années, il sera nécessaire de très très très progressivement agrandir le diamètre intérieur sans modifier le bord, le grain et la profondeur.
Mon histoire est toute simple : un jour, mon professeur a déposé une série d’embouchures sur une table et j’ai choisi celle qui me convenait! (encore de la chance). Elle n’avait pas de marque.
Par la suite, j’ai cherché à ajuster quelques petits détails pour en arriver fin des années 60 chez Courtois, où un maître tourneur était un orfèvre en la matière.
Plus tard, à New York, j’ai fait tourner mon modèle chez Stork.
Enfin, de retour en Europe et n’ayant aucun contrat avec John Stork, c’est Bertrand Jannoutot (Olifant) qui a commercialisé mon modèle avec d’infimes modifications par rapport à Stork.
Je n’ai jamais utilisé plusieurs embouchures sauf pour des œuvres nécessitant un aigu constant (J.S. Bach par ex.) où je réduisais un peu la profondeur. Changer d’embouchure comme de chemise me semble très dangereux psychologiquement. Certains n’ont aucun problème mais …
Dans l'offre internationale des publications, quelle est ta méthode de cor préférée?
Une méthode utilisée dépend du niveau de l’élève. À cette question je serais incapable d’une suggestion pour les débutants. Pour les autres, il en existe de nombreuses qui ne sont pas nécessairement à travailler du premier au dernier N°.
J’ai toujours préféré "voyager" à la carte dans différentes méthodes en fonction de l’évolution de l’élève. Elles sont très nombreuses et il m’est difficile de toutes les mentionner.
Quelques incontournables cependant: Les trois de Georges Barboteu. Études techniques et musicales, INCONTOURNABLES.
J’ai toujours préféré "voyager" à la carte dans différentes méthodes en fonction de l’évolution de l’élève. Elles sont très nombreuses et il m’est difficile de toutes les mentionner.
Quelques incontournables cependant: Les trois de Georges Barboteu. Études techniques et musicales, INCONTOURNABLES.
Aussi les Maxime Alphonse, Gallay, Bitsch, Chaynes etc, sans oublier Verne Reynolds. Certaines études de Lucien Thévet sont à prendre en considération.
Travailler des oeuvres écrites pour d'autres instrument est-il salutaire pour améliorer sa technique?
Non, je ne pense pas.
Quels furent tes principaux postes d'orchestre?
Dès 1960, je deviens cor solo de l'Orchestre National de Belgique sous la Direction de Maître André Cluytens et ensuite de l'Opéra National de Belgique. Fin des années 1960, cor solo de l’Opéra Royal de Wallonie et de 1971 à 1979, cor solo de l’Orchestre de Radio-Télé-Luxembourg.
J'ai dirigé également des ensembles orchestraux et collaboré à divers projets de « La Chapelle Musicale Reine Élisabeth » de Belgique.
Penses-tu que le niveau général des cornistes dans le monde s'améliore, ou finalement juste leur nombre va croissant?
La technique est en constante évolution ainsi que le nombre de cornistes dans le monde.
Ultime rituel: Que sera la place de la musique classique dans la société dans 50 ans?
Ta dernière question est difficile. Il m’est impossible d’y répondre.
Je pense cependant que suivant la culture qui sera respectée plus ou moins selon les pays, il faudra rester très attentif pour que nos politiciens soient à la hauteur de leurs charges culturelles sans penser à la carte électorale que nous ne représentons pas en tant que tel à leurs yeux.
MAI 2020
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