QUESTIONS À UN CHAMPION

QUESTIONS À UN CHAMPION

ROGER ABRAHAM

 

ROGER ABRAHAM

 

EN RAISON DE LA DISPARITION DE ROGER ABRAHAM EN 1985, L'INTERVIEW EST ADRESSÉE A SON FILS RÉMY, EGALEMENT CORNISTE. 

 

 

 

D'où venez-vous? Quel fut votre parcours d'études? 

Né à Royat en 1921 dans le Puy-de-Dôme, juste à coté de Clermont-Ferrand. Commence l'étude du cor à 9 ans après 2 années de piano. En 1930, entre au conservatoire de Clermont-Ferrand, et en 1934, obtient un 1er Prix à l'unanimité à 13 ans. En 1937, reçu au conservatoire de Paris et travaille avec Wuillermoz et Devemy. En 1941 obtient un 1er Prix. Ensuite devient cor solo d'innombrables orchestres avant d'entrer en 1968 cor solo de l'orchestre de Paris.      

 

On entend souvent parler de votre départ de Paris pour Strasbourg, pouvez-nous dire dans quelles circonstances c'est arrivé et comment vous l'avez vécu?

Cela a été une décision très difficile à prendre. Pour un peu mieux comprendre la situation dans laquelle je me suis retrouvé, il faut savoir qu'avant la création de l'Orchestre de Paris en 1967, j'étais déjà en poste de soliste à Strasbourg.

Quand Charles Munch m'a appelé pour devenir son cor solo, j'ai quitté Strasbourg en prenant, comme cela était possible à l'époque, 3 ans de congé sans solde. A la fin de cette période, j'aurais bien voulu rester à Paris mais ma situation « administrative » a finalement eu raison du difficile choix que j'avais à faire. En effet, à Strasbourg, avec qui j'étais donc toujours en contrat, les musiciens et employés de la ville faisaient partie d'un « cadre local », un statut différent du reste de la France dû aux différentes guerres.

En démissionnant de Strasbourg, je quittais logiquement ce cadre local qui, quand on s'en sépare, annule toutes les cotisations retraites. Autrement dit, je commençais ma carrière à .... 46 ans. Tout ce que j'avais fait auparavant n'existait plus. Nous avons longuement cherché une solution avec l'orchestre de Paris pour que je puisse simplement récupérer toutes ces années, mais malheureusement aucune possibilité n'a pu être trouvé.

Cela n'aurait concerné que moi, j'aurais pu envisager de rester à Paris, mais avec une famille à charge, je ne pouvais la mettre en danger et j'ai donc dû me résoudre à prendre cette difficile décision de quitter (à mon grand regret) l'orchestre de Paris.

 

À Strasbourg, le poste d'orchestre était-il déjà jumelé au poste d'enseignant du conservatoire?
Le poste était déjà couplé avec le conservatoire. Je trouve que c'est un enrichissement artistique pour un musicien et je pense que le fait de pouvoir partager l'expérience d'un professeur au profil comme celui-là peut aussi apporter un « petit plus » pour un élève.

 

Quel cor avez-vous le plus joué dans votre carrière (marque, modèle, simple double, pavillon...)
Un Alexander double ascendant compensé que j'avais essayé directement à l'usine, et qui n'était pas encore fini d'ailleurs. Je l'ai fait doré et il m'a accompagné pendant de longues années.

 

Durant votre carrière Alsacienne quels étaient les rapports musicaux avec les villes Allemandes limitrophes? Et les musiciens?
Assez peu de rapports avec les orchestres allemands, ou en tout cas, ni plus ni moins que les autres orchestres français je pense. Par contre, lors d'œuvres nécessitant des cornistes supplémentaires, nous avions l'occasion de faire venir des cornistes des orchestres frontaliers ou bien d'aller les renforcer.

 

On connaît votre fameux enregistrement de la Pavane de M. Ravel, enregistré bien plus tôt au sein de l'Orchestre de Paris et dirigé par Charles Munch. Comment s'est passé l'enregistrement?
Pour répondre à cette question, je vais vous parler un peu de Charles Munch. Jouer sous sa direction était formidable. Un homme chaleureux, grand musicien, sensible et enthousiaste. Revenant de Boston où il a marqué l'histoire, il nous a expliqué ce qui l'a conduit à retraverser l'atlantique pour prendre la direction de l'orchestre de Paris.

Charles Munch s'adressant aux musiciens de l'orchestre de Paris: les musiciens américains sont comme vous très talentueux, mais vous avez quelque chose en plus, quelque chose qu'ils n'ont pas.

s'adressant à l'harmonie: vos sonorités chantantes, chaleureuses, avec des timbres variés. Avec vous, c'est la richesse de l’école française que je viens retrouver. 

Vous comprenez qu'enregistrer la pavane dans ces conditions fut un moment bien particulier. Un moment d’épanouissement musical, car il laissait exprimer la personnalité et la musicalité de ses musiciens. Le tout soutenu par la formidable sonorité de cet orchestre.

 

N'avez-vous jamais songé partir à l'étranger comme les États-unis ou d'autres pays d'Europe?
Non, je trouve que ma sonorité était plus en adéquation avec la personnalité des orchestres français, surtout dans ces années-là. Aujourd'hui, le son des orchestres dans le monde est plus uniforme qu'à mon époque.

 

Pensez-vous que le vibrato soit un artifice tel le trille, le flatterzunge ou le détaché triple, ou fait-il totalement partie du son?
Pour moi, cela fait partie intégrante de l'expression de l'artiste. C'est un ressenti profond qui s'exprime dans le jeu du musicien.

 

Après une carrière bien remplie, que referiez-vous différemment, ou plutôt qu'est-ce qui vous a déplu dans votre vie musicale?
Ce qui m'a déplu c'est qu'au fil du temps, le rythme de travail n'a cessé de s’accélérer, considérant le musicien, l'être humain, comme une machine.

 

Avez-vous une technique de chauffe relativement identique chaque jour ou bien plutôt instinctive selon le ressenti?
De manière générale, je « chauffe » toujours de la même façon. Bien sûr, suivant les services d'orchestre de la veille et la fatigue (ou pas) occasionnée, il peut m'arriver d'adapter la mise en lèvre.

 

Êtes-vous fier de la réussite de votre fils Rémy?

Comme c'est moi Rémy qui écrit, difficile de répondre à cela mais je pense que mon père était fier de moi et du chemin que je commençais à parcourir, je dis commençais, car il est décédé alors que je n'avais que 22 ans

 

En quoi le cor est bien le plus bel instrument de l'orchestre selon vous?

Je ne sais pas si c'est le plus bel instrument de l'orchestre mais ce qui est sûr, c'est que c'est un instrument vraiment particulier. C'est celui qui dans un orchestre fédère tout le monde. Sa sonorité se marie de façon fantastique avec tous les instruments. Logiquement les cuivres bien sûr, les bois avec lesquels, soit il dialogue, soit il se fond, et bien sûr les cordes avec lesquelles il partage la chaleur de sa sonorité.

Les compositeurs l'ont bien compris d'ailleurs et le répertoire symphonique en est la preuve. Je dirai que c'est un peu le juge de paix d'un orchestre, dû à cette sonorité qui se mêle avec tous les timbres.

 

CODA: Comment voyez-vous la musique classique dans le monde dans 50 ans?

Je pense que la musique classique a traversé les âges et continuera à le faire. Les supports pour l'écouter continueront sûrement d'évoluer, donnant des accès encore plus grand au public. Mais espérons que cette technologie ne vide pas petit à petit nos salles de concerts.

 

JUIN 2020 

 

 

 

 

R-6905753-1429216253-8716817xJ-QP2eL

 

103795324_2644615019106748_7635016012772285017_n
103883558_2625465641075211_9181353927018599215_n

 

Papa Photo Roger Abraham et Alain Lombard022IMG_20200610_105845

Papa Presse extraits018Papa Presse extraits page 2020

IMG-20200611-WA0018

IMG_20200610_105742

 



11/06/2020
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 34 autres membres